Pros sous équipés

Les professionnels sont encore sous-équipés pour prendre en soin les personnes handicapées. D’après les dernières données, une personne handicapée sur cinq n’a pas pu se faire soigner en 2021. Pourquoi ? Coactis revient sur les obstacles à l’accès aux soins et sur les leviers à même de réinventer l’environnement de soins de ces patients.

L’accès à la santé est encore un obstacle majeur pour les personnes en situation de handicap. Ce 3 décembre, l’association Coactis santé a profité de la journée internationale des personnes handicapées pour rappeler les enjeux auxquels se doivent de répondre les professionnels de santé.

Malgré des années d’action et des évolutions, l’accessibilité des soins des personnes en situation de handicap est encore loin d’être une réalité pour tous. Selon les derniers chiffres de l’enquête Handifaction*, présentés par le président d’Handidactique, Pascal Jacob, 20% des usagers handicapés n’ont pas été en mesure de se faire soigner sur la dernière année.

Ces données, qui divergent grandement selon les territoires avec un taux de personnes non soignées pouvant atteindre 60%, s’expliquent principalement de deux façons. 11% des répondants sont ainsi contraints à un abandon de recherche de soins (8% à 25% selon les territoires) car ils ne se sentent pas suffisamment aidés ou accompagnés. Pour 13% des sondés, la rupture de soins est quant à elle justifiée par un refus du corps médical (10% à 30% selon les territoires). Les difficultés rencontrées par les usagers de santé en situation de handicap se confirment également dans le déroulé du soin. 21% ont vu leur accompagnement refusé, 15% n’ont pas obtenu ou pas compris les informations qu’ils demandaient au soignant, et 17% n’ont pas bénéficié d’une prise en compte de leur douleur.

« Manque de contrôle sur le soin et sur son corps »

« C’est un parcours du combattant pour trouver un professionnel qui accepte de nous accompagner », constate Julia Boivin, en situation de handicap, formatrice et autrice du livre 100 idées pour promouvoir l’autodétermination et la pair-aidance. Au point de créer une certaine dépendance vis-à-vis du soignant qui accepte de prendre ce public en charge. « Quand des choses nous déplaisent dans le soin qui nous est proposé, on ne se sent pas aussi libres de changer de professionnel pour trouver un soin plus adapté. Cela a des conséquences énormes. On souffre d’un manque de contrôle sur le soin et sur son corps. » Et de s’interroger : Peut-on être exigent envers un soignant lorsque notre pathologie nous laisse si peu de marge de manoeuvre ?

Intrinsèquement éthique, la question appelle à un questionnement des pratiques des professionnels de santé. Julia Boivin le rappelle en effet : la problématique tient davantage de l’environnement de soins que du patient et de sa pathologie. « Il faut que les soins viennent à
nos enfants ou alors qu’il y ait un parcours dédié », confirme Églantine Éméyé, aidante et fondatrice de l’association Un pas vers la vie.

Réinventer la relation de soins

Isolement fréquent des médecins situés en déserts médicaux, manque de formation au handicap, tarification inadaptée des consultations dédiées, mise aux normes d’accessibilité des locaux impossible… Partageant les obstacles identifiés par le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) en mars 2020, Bénédicte Gendrault, pédiatre et médecin-ressource de Coactis santé, insiste dans ce cadre sur le besoin d’acculturer les praticiens.

C’est sur ce plan qu’entend agir l’association avec son site ressources Handiconnect.fr, dédié aux professionnels, et avec sa boîte à outils pédagogiques SantéBD. De nouvelles fiches devraient d’ailleurs s’ajouter prochainement au catalogue. Parmi les thématiques bientôt traitées, figurent la téléconsultation, les violences faites aux enfants en situation de handicap, l’habituation en soins pour lutter contre la douleur et l’anxiété des soins ou encore la paralysie cérébrale. Des fiches par métiers de santé sont également en cours de construction. Mais au-delà de la formation médicale et de savoir-être, l’association prône le travail d’équipe et l’expérience partagée. « C’est la relation triangulaire (professionnel-accompagnant-patient) qui va permettre de lever les freins à l’accessibilité aux soins. » Ou comment réinventer la relation soignant-soigné.

« hospimédia »
Crédit Photo : Pexels – mikhail-nilov